ECHO DE SAINT-PIERRE N° 98
Février 1998

CE QUI FUT...!


L’article de Mme MOUSSU, paru dans l’Echo du mois de Juin, remémore chez les plus anciens le souvenir des paysages d’autrefois où, en toute quiétude, chacun allait, venait, musardait le long des “chemins fantaisistes, allant de travers au lieu d’aller droit”, à proximité de notre vieux bourg de St-Pierre.

Les quartiers actuels, élevés sur nos champs et notre campagne environnante, présentent des rues “tirées au cordeau”, exposant à tous vents les habitants qui les parcourent.

La grande butte du Polygone a été bien aménagée en parc verdoyant d’Eole, remplaçant les fourrés où l’on pouvait cueillir des belles mûres, traversant ronces ou genêts, et accrochant les vêtements, griffant genoux et mollets. Les enfants s’amusaient aussi à rechercher les douilles de balles, puisqu’en ce temps, la butte fût un des champs de tir de la Marine.

Sur les talus des chemins de Kerzudal, ou de l’ancienne ligne du tramway du Conquet, on ramassait l’oseille sauvage à donner aux lapins avant qu’ils ne régalent la famille et dans n’importe quel coin de campagne, les pissenlits, croquants à souhait, étaient très recherchés.

Beaucoup de gens élevaient des poules dans un coin de jardin, et l’on allait dans les fermes environnantes chercher des oeufs fécondés pour les faire couver.

Le fort de Kéranroux, entouré d’une ceinture de pins maritimes, était un lieu de détente pour les familles. Pendant les chaleurs de l’été, nombreux étaient ceux qui y cherchaient ombre et fraîcheur. Les écoliers n’avaient pas classe le jeudi et s’y rendaient pour s’ébattre sous les grands pins. N’oublions pas le gardien, contraint aux rondes de surveillance de l’ouvrage fortifié qui parfois rassemblait les enfants présents, et les invitait à l’intérieur du fort, dans le souterrain sombre où seules quelques meurtrières glissaient un peu de clarté. Que d’émotions en le parcourant, et la petite troupe suivait de près M. MADEC afin de se trouver rassurée.

Le dimanche après-midi, les familles sortaient à pieds (bien sûr), rencontraient sur les parcours, voisins ou connaissances aimant retrouver : Kervallon, la Chapelle Jésus, l’Ecole des Mousses et son étang à la Villeneuve où les promeneurs admiraient les apprentis marins souquer sur l’aviron.

Le bois de Kéroual est resté longtemps après la guerre, propriété privée, et n’était pas ouvert au public.

Au printemps et en été, la fréquentation des “pardons” dans les communes avoisinantes était très importante et le soir, les groupes de femmes s’en revenaient en chantant.

Le tramway du Conquet transportait les voyageurs désireux d’aller prendre l’air du large, et à la belle saison la motrice tractait deux wagons ouverts (les buffalos) dont les accès étaient protégés par des chaînes.

Le quartier de Ste-Anne du Portzic était très fréquenté, même en dehors de l’été. Les promeneurs passant par la corniche, traversaient les glacis pour emprunter le sentier côtier qui rejoignait le café bal Guichoux où les danseurs tournoyaient sur des airs de guinguette. La belle plage de sable fin, s’étendant jusqu’aux confins des falaises, offrait aux familles un large espace de repos et de jeux en attendant l’heure du bain, dans une mer aux eaux claires. Peut-on encore imaginer ce Temps ? Le soir, au retour, certains se désaltéraient à la source du lavoir, à mi-côte de la chapelle. L’endroit ombragé était très agréable et bien entretenu. Avez-vous remarqué le délabrement de ce petit coin si charmant autrefois ? Et chacun s’en revenait chez lui après la visite à Ste-Anne, dans son petit sanctuaire. Beaucoup d’anciens ont été aussi très marqués par l’événement annoncé dans la Dépêche de Brest : le retour de l’escadre (partie depuis plusieurs jours en manoeuvres) et qui se faisait le dimanche. La foule des curieux envahissait la digue des Quatre-Pompes (qui n’était pas fermée avant guerre) et s’échelonnait sur les routes entre les plages environnantes. Le défilé majestueux de tous ces navires, depuis les vieux cuirassés en tête, suivis par ordre de tonnage des croiseurs, torpilleurs, avisos, sous-marins, s’avançait lentement. Distancés à compte, chacun retrouvait sa place en rade abri. Et le flot des Brestois se dispersait à la fin du défilé, marqué par le plateau de tir hâlé par un remorqueur.

Quel spectacle ! et le soir, dans les rues de notre bonne ville de Brest, s’égayaient pompons rouges et uniformes, dans la gaieté du retour. Ils faisaient partie intégrante de chez nous. Mais, toute cette vision lointaine s’est effacée du paysage, laissant seulement leur image vivante dans les brumes du passé.

Les nostalgiques....

M. TH. A.