ECHO DE SAINT-PIERRE N° 94 - Juillet-Août 1997

LA MAISON DES CHANOINES - La rue Tanguy du Châtel.

Dans cet article du numéro des Vacances, nous allons, à notre tour, faire une petite excursion.
Nous allons nous intéresser à la Maison de Chanoines à Kersaint-Landunvez.
Surprenant ? Pas tout à fait, pour qui connaît l’histoire de notre contrée. En effet, nous allons découvrir un lieu très proche du château de Trémazan qui, pendant des siècles, fut la demeure principale des Du Châtel.

De ceux-ci, qui possédaient beaucoup de terres incluant St-Pierre Quilbignon, nous disons quelques mots dans la page ci-contre.
Notons qu’en souvenir de leur célèbre ancêtre St-Tanguy, beaucoup d’entre-eux portèrent ce prénom. Ce sera d’ailleurs un Tanguy du Châtel qui créera, le 10 mars 1508, la collégiale de Kersaint.
S’installèrent donc à Kersaint, six chanoines qui doivent “chaque jour réciter matines et les heures canoniales, célébrer une grand-messe “à note”, chanter les Vêpres, administrer les sacrements, et faire des instructions”. Un d’entre-eux vivra au château de Trémazan, les autres étant dispersés sur le secteur.
Leur logis commun, la Maison des Chanoines, sera construite dans la période 1550-1560, robuste et bien protégée pour faire face notamment aux anglais qui envahissaient et pillaient régulièrement nos côtes.Au delà de la pratique du culte, qui ne les occupait pas à temps plein, les Chanoines avaient aussi pour mission de rendre service à la population.
Un de leurs domaines d’activité était les soins aux malades, et notamment la fabrication de médicaments. Dans leurs petits jardins bien clos, dits jardins de simples, ils cultivaient les simples, ou louzou en breton, c’est-à-dire des plantes médicinales.
Si certaines étaient utilisées en l’état, d’autres seront séchées, mises à macérer, bref, subiront une préparation pour devenir remèdes, qui seront ensuite stockés dans les nombreuses niches de la maison.
La collégiale de Kersaint prospéra. Leur pouvoir sur les âmes, leur pouvoir sur les corps, les avantages de leur charge, amenèrent souvent leurs membres à faire des écarts avec “la règle” qui devait être la leur, et avec l’autorité, qu’elle soit religieuse ou civile.
Depuis longtemps, les habitants de Recouvrance voulaient une église paroissiale, et s’émanciper de la paroisse de St-Pierre Quilbignon dont ils dépendaient.
Aussi, certains d’entre-eux engagent une procédure en 1691 auprès de la duchesse de Portsmouth et d’Aubigny, patronne de la collégiale, pour en obtenir le transfert à Recouvrance.
L’idée forte de l’argumentation : isolés à Kersaint, les Chanoines sont déréglés dans leurs moeurs, installés à Recouvrance, au vue de tout le monde ils se tiendront mieux.
Evidemment, nos chanoines se défendent. Ils mettent en avant que les occasions de mal faire sont plus nombreuses à Brest qu’à Kersaint, et que certains d’entre-eux pourraient y devenir “plus déréglés et scandaleux”, sans oublier de rappeler les services rendus à la population.
Nos chanoines trouvèrent un appui, indirectement, près du recteur de “St-Pierre Quilbignon et de Recouvrance”, qui dans un courrier de 1691, aussi , prouva que sa paroisse était celle qui dans le diocèse, avait déjà le clergé le plus nombreux (13 prêtres et 20 à 30 capucins), et qu’elle n’avait donc nul besoin des 7 chanoines.
Mais que l’alerte avait été chaude ! Nos résidents de Kersaint se tiennent-ils plus tranquille ensuite ? Non, ils doivent se sentir invulnérables si l’on s’en tient à un “fait divers” qui se passa en 1700.
Un navire chargé de vin s’échoua à Ouessant. Le représentant de l’Amiral réussit à souscrire au pillage des habitants quelques barriques. Mais dès le lendemain, il reçut la visite du recteur d’Ouessant et de l’abbé Tournel, chanoine de Kersaint, qui venaient réclamer leur “droit de bris”. Interloqué, il refusa. Mal lui en prit, car il reçut une belle volée de coups de bâtons de la part du chanoine, qui fut tout de même arrêté et emprisonné à Brest.
Au delà de ces événements, surtout révélateurs d’une époque, les chanoines continuèrent donc à exercer leur ministère à Kersaint, quasiment jusque la révolution.
Ensuite, d’autres occupants utilisèrent la maison des chanoines.
La beauté et la qualité du bâtiment, qui 450 après sa construction, nous rappelle notre histoire, mérite le détour.
Et pour nous, Quilbignonnais, l’occasion de rendre visite à un lointain “cousinage” paroissial.

J.P MADEC

Sources : Landunvez : une maison des Chanoines, F.DE KORT
St-Pierre Quilbignon : M. FLOCH.

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LA RUE TANGUY DU CHATEL


Au coeur de Saint-Pierre, la Maison de Quartier est bordée par la rue Tanguy du Châtel. Ce nom est associé à Quilbignon, mais aussi à la Tour Tanguy de Recouvrance, à l’origine, une motte seigneuriale appartenant à cette famille. Qui est donc ce ou ces personnages ?
La réponse est dans le recueil d’articles de Michel FLOCH sur Saint-Pierre Quilbignon, édité en 1988 par Mémoire de Saint-Pierre.
La famille du Châtel de Trémazan possédait le nord de la rade, de la pointe Saint-Mathieu à la Penfeld. Plusieurs d’entre eux s'appelaient Tanguy, depuis le saint fondateur de l’abbaye de Saint-Mathieu au VIème siècle jusqu’aux combattant de la guerre de cent ans. A cet époque, ils acquirent une stature plus importante : un Tanguy du Châtel était capitaine du château de Brest en 1341-1342, et prit parti pour Jean de Monfort dans la guerre civile qui l’opposait à Charles de Blois et Jeanne de Penthièvre ; il laissa ensuite le château aux anglais, alliés de Jean. Mais, c’est surtout à la génération suivante qu’un autre Tanguy se fit connaître, cette fois comme partisan du futur Charles VII contre le roi d’Angleterre prétendant au trône de France. Fidèle compagnon du Dauphin, il tua en 1409 l’oncle de ce dernier, le duc de Bourgogne Jean sans Peur, allié des anglais, à Montereau, et devint le chef du parti des Armagnacs.


Pauline MOUSSU