ECHO DE SAINT-PIERRE N° 82 Février 1996

PETITES HISTOIRES - GEOGRAPHIE

Cette partie d’un plan de BREST en 1670 permet d’imaginer comment se présentait le territoire d’une partie de Saint-Pierre à la création du port.

Au “Nord-Est” la Rive Droite de la Penfeld marque la frontière depuis la Villeneuve jusqu’à la sortie de l’estuaire

Après les bords verdoyants de Kervallon (un édit royal de 1741 faisait défense aux riverains, de labourer et remuer leurs terres, dans une étendue de 60 toises - environ 100 m - à partir des bords de la rivière, autorisant toutefois la plantation de taillis), la rive s’escarpe entre 20 et 30 m et jusqu’à la POINTE, un plateau rocheux domine la rivière qui serpente dans cette étroite ria, s’insinuant dans les criques du MOULIN A POUDRE côté KERINOU , et de PONTANIOU, dont il nous est difficile d’imaginer la topographie de l’endroit, après que les bâtisseurs, bouleversant le site, l’aient corseté de hauts murs que nous voyons encore.

Aux pieds de ceux-ci, se bâtissent déjà, entre 1670/1690, les premiers ateliers bordant l’anse, où se construira en 1742 le premier bassin de radoub de la Rive Droite. Plus loin, autour des activités portuaires, Recouvrance, nouvellement intégré à BREST, par la “volonté royale", se développe rapidement au bas du vallonnement qui descend du GRAND TURC, et acquiert en 1750 son indépendance paroissiale vis-à-vis de St-Pierre, dont à l’inverse, la population s’éparpille entre le très modeste bourg et les nombreux villages de sa campagne. La construction des remparts 1692/1694 achève la séparation, l’unique et étroite porte du Conquet sera la seule communication possible entre les deux paroisse, et tandis que RECOUVRANCE s’urbanise, les villages du CARPONT et du SALOU disparaissent sous les remparts.

Michel Floch, conseiller municipal, historien local, dans ses notes relate de nombreux procès que cette construction, puis son prolongement vers QUELIVERZAN, provoquent. La zone des fortifications fut évacuée sans ménagement. Ainsi cette notification : “le susdit fermier de QUILLEVARZA (Quéliverzan) fut prévenu à 3 heures 30 de l’après-midi d’avoir à évacuer bêtes, gens et matériel agricole”. Le lendemain à 5 heures du matin, une équipe d’ouvriers, armés de pioches, étaient sur la maison pour la mettre à bas !

A cette époque, la défense du port se renforce. Sur les terres de St-Pierre, s’érigent les forts du QUESTEL, KERANROUX, MONTBAREY, PORTZIC, les défenses du STIFF et de KERANGOFF.

La ligne des remparts court depuis LA POINTE jusqu’à le TOUR BLANCHE, au pied de la colline du SALOU, face à la TOUR NOIRE, sur la Rive Gauche, sur lesquelles se fixe la chaîne du fond du port. Vers l’amont, on renforce, par la construction du bastion de QUELIVERZAN, celui-ci descend jusqu’à la Penfeld, à l’endroit où sera replacée la chaîne d’arrière garde. L’arsenal, alors clos, ne trouve plus d’espace nécessaire au développement de la flotte. La nouvelle propulsion à vapeur exige de nouveaux ateliers, parcs à charbon, formes de radoub, etc...

La pointe rocheuse qui descend des hauteurs du SALOU, nom de la ferme qui s’y trouve, représente au sol, une surface que convoite les autorités. L’on envisage d’araser l’endroit pour récupérer les 26 000 m2 que représente ce site. En 1827, un premier bassin est construit parallèlement, au bord de la rivière. Très modeste par ses dimensions, il nécessite toutefois l’enlèvement de 5000 m3 de roche. Le projet de 1855 est plus ambitieux. Il prévoit la suppression “pure et simple” de cette masse rocheuse et le creusement d’un grand bassin de 234 m de long. Plus de 426 000 m3 de roc et 584 000 m3 de déblais divers seront extraits, puis transportés par mer sur l’emplacement des futures jetées du port de commerce, quelques-uns utilisés au lestage des caboteurs en partance.

Précédemment, la formation de l’ILE FACTICE, et l’aménagement de ses rives, avaient absorbé aussi une partie des déblais provenant des premiers travaux.

Les forçats, à Brest, depuis la moitié du XVIII siècle, utilisés pour les travaux de “grignotage” des falaises, sont limités par la rusticité de leurs outils, et les derniers d’entre eux n’auront pas l’occasion d’assister en 1858 à la mise à feu d’une tonne de poudre, que l’on fit exploser lors de la visite impériale, pour entamer, d’une façon spectaculaire, ce travail pharaonique.

L’observation, depuis le pont de l’Harteloire, laisse aux marcheurs, le loisir d’estimer ce travail dans ses justes dimensions.

P. FLOCH