ECHO DE ST-PIERRE N° 80- Décembre 1996
LE CINEMA A St-PIERRE
Nous publions ce mois-ci un texte que nous a fait parvenir un lecteur de lEcho sur lhistoire des salles de cinéma implantées à Saint-Pierre. Ce témoin souhaitant conserver lanonymat, nous respecterons sa volonté.
En cette année 1995, nous fêtons le centenaire de linvention du cinéma par deux industriels de Besançon : les frères Auguste et Louis Lumière. Depuis cette époque, par étapes de perfectionnement, nous avons le loisir de profiter des projections en salles, à la télévision ou en K7. Les présentations actuelles sont bien différentes de celles auxquelles le public davant 1940 sétait habitué. La commune de St-Pierre, distincte du grand Brest, disposait de trois salles : lOlympia (société privée) installé à langle des rues Armor et Mesny puis les patronages de Kerbonne et la Légion St-Pierre. Le grand cinéma de la rue Armor fonctionnait peut-être plusieurs jours dans la semaine mais les patro nétaient ouverts au public que les samedis soirs et dimanches après-midi. Lors des séances récréatives offertes par lécole des soeurs, la chorale ou les anciens, les programmes cinématographiques étaient reportés à la semaine suivante.
Cest en 1927 que le cinéma muet fut inauguré à la Légion, en noir et blanc, bien sûr. Le film était projeté depuis la cabine (au fond de la salle) sur grand écran déroulé sur le devant de la scène du théâtre. Après les actualités, adultes et enfants pouvaient sans crainte dagression morale, suivre tous les films car le censeur de service avait soigneusement supprimé les passages osés ! Il aurait bien de loccupation actuellement sil était encore là pour les coupures. La bande coupée et recollée produisait au passage un déclic révélateur dun carré blanc plus ou moins prolongé, qui laissait parfois la suite de laction dans une certaine nébulosité. Sur le bas de lécran, sinscrivaient les dialogues (comme actuellement en V.O.), parfois bien écourtés pour le flot de paroles prononcées de visu par les acteurs. En accompagnement, un orchestre avec piano, violons, violoncelle et saxos, parfois clarinette, agrémentait le déroulement du film par les morceaux judicieusement choisis par Monsieur G. Cloastre. En 1931, lachat dun pick up moderne libéra ces héroïques bénévoles et les disques les remplacèrent sans interruption tout au long de la projection.
Le 1er octobre 1933, notre salle de St-Pierre fût dotée du cinéma parlant de la marque Stellor, très au point pour la sonorité et la lumière. Le marché de location passé avec la Maison Gaumont ( de haute notoriété dans ce domaine) permit de passer de très beaux films: actions héroïques de toutes sortes, rétrospective de faits historiques, documentaires découvrant aux spectateurs des contrées inconnues, dans des paysages grandioses. En ce temps-là, les voyages étaient restreints. Il était agréable dentendre sexprimer les acteurs sans avoir à écarquiller les yeux pour lire très vite les résumés transcrits sur lécran et entendre les récriminations de ceux qui ne pouvaient suivre parce que le voisin de devant se levait pour mieux voir ou celui dà côté qui sessayait à lire tout fort ! Cétait le grand film qui suivait les actualités, interrompu par une pause denviron quinze minutes au cours de laquelle les assistants pouvaient se retrouver autour dun café ou dune autre boisson. La suite du film reprenait son cours et après une seconde pause bavardage, la séance se terminait avec le comique. La tension provoquée par le déroulement du charme avait besoin dêtre atténuée par le délire de certaines projections. Mais tout na quun temps.
Et un soir de février 1939, la salle sembrasa depuis la cabine de projection où il y avait souvent réparations à effectuer avec les contacts électriques. Reconstruite puis inaugurée en avril 1940, elle subit le sort général : loccupation. Tous ceux qui ont vécu cette période où lon se contentait de simples choses, sans trop de confort, en garderont le souvenir ému des séances de jadis.
Si le grand écran intéressait particulièrement les adultes, noublions pas que les enfants se sont bien amusés aux séances du jeudi après-midi avec le Pathé Baby. Cette nouveauté fit son apparition en 1928. Ce nétait quune petite machine toute simple : une boîte de 40 x 25 qui, par la magie de lampoule électrique, projetait les images sur un écran déroulé et suspendu (les cloches de St-Pierre de janvier 1929). Ce fût un succès en nombre de participants à ces séances pour un prix dentrée très modeste : à 0,50 pour les grandes personnes désirant accompagner les enfants, 0,25 pour tout autre spectateur. La séance de ce jour-là était aussi complète quen fin de semaine. Pas dactualité, mais petit film religieux précédant la grande projection dune histoire intéressante ou le comique bien fourni avec Max Bennet ou Buster Keaton qui déchaînait les rires, les cris deffroi, les conseils dattention envers ceux qui évoluaient sur lécran. Laurel et Hardy, perpétuel couple malchanceux, spécialistes des ennuis inévitables avec leurs initiatives malheureuses ont tenu en haleine des générations denfants. Noublions pas le chien vedette Rintintin dont le parfait dressage et lintelligence amenait toujours un aboutissement heureux aux situations dramatiques auxquelles il était mêlé. Et le choix des acteurs était évident : lon devinait dès le début qui était le bon et le méchant puisque son physique était choisi pour lemploi (ce nétait pas encore Hitchcok).
Les sièges de la salle nétaient pas de confortables fauteuils : un banc continu était une rangée sur laquelle se serrait chacun lors des films à épisodes ou spectacles particulièrement attirants. Et sur les gradins du fond, les fins de semaine, les garçons se retrouvaient près de la cabine avec le pompier de service. Cétait ainsi et personne ne sen est plaint. La distraction du moment valait bien quelque gêne. Les anciens en conservent un excellent souvenir.
En raison de la place dinsertion dans le bulletin ceci nest quune généralité. Des détails seront donnés par François Kergonou dans son prochain ouvrage.
MTh. A.