ECHO DE SAINT-PIERRE N° 77 - Juin 1995

LE P’TIT MENEZ...

Vous vous demandez peut-être la signification de ces mots. Une personne, un lieu ?... Eh oui ! le p’tit Ménez ou le Ménez tout court pour ceux qui le trouveraient plus grand.
Je vous ramène vers les années 1930, dans un quartier que vous connaissez, et où je souhaite vous promener souvent. a pied bien sûr...

Il s’agit des effluves d’une mer assez proche, et des senteurs accueillantes des jardins en terrasse. C’est la Salette... A peine plus bas, en descendant, sur la droite, les terrains vagues que vous voyez ont été laissés pour compte par la guerre et ces paysages ont été profondément transformés, il y a plus de cinquante ans. Ils étaient, autrefois, l’amorce de la colline pour remonter jusqu’au plateau de Kerdalaës. Mais, remonter n’est peut-être pas de vos intentions, et, bien simplement, nous allons y aller comme à l’époque dont je vous parlais. Les années 30...

Le p’tit Ménez ! Le charme de la promenade voulait que l’on vienne de Kernabat, pour prendre le chemin de Kerdalaës, au coin du manoir de Ker-Yette, lui-même étant devenu cité des castors de l’Arsenal aujourd’hui.

Frais ombrages des grands chênes bordant un vrai sentier breton “s’en allant de travers au lieu d’aller droit). Qu’importe ! Sur un plat relatif, nous étions bientôt vers le haut de la Salette, laissant à gauche la poésie du bois Lamour. Une amorce de raidillon menant vers la ferme et, tout de suite à gauche, l’allée que vous pouvez encore voir de nos jours, presque intacte. A peine quelques branches ou fougères qui se penchent un peu trop pour vous faire douter de l’issue de la promenade. Persistez... Vous allez même découvrir, sous leur feuillage de carotte, les pommes de terre “gadic”. Si vous avez un canif dans votre poche pour les déterrer, mais à peine plus grosses qu’une noisette, elles vous surprendront par leur goût raffiné...

L’aboutissement du sentier, en cette année 1995 ne sera cependant pour vous qu’un coup d’oeil sur ce que l’on souhaite voir devenir bientôt un véritable aménagement du paysage, pour le plus grand bien de tous...

Ce chemin s'ouvrait naguère sur une garenne en pente qui allait, tout en bas, côtoyer la route des Quatre-Pompes. Le gazouillis du ruisseau et les vénérables saules en marquaient la frontière... Le sentier du haut, prolongement de celui d’aujourd’hui, était surmonté d’un talus habillé de chênes, aux troncs inclinés, et de noisetiers. C’était la halte obligée des promeneurs et des tantes ou parents qui surveillaient les jeux...

Lesquels ? Et bien ! nos “traîneaux”, sortes de luges de fabrication familiale, dont les patins étaient abondamment garnis de savon “Sevré” abordant résolument la descente, guidés par leur pilote-constructeur. Les galipettes, inévitables, étaient au programme, pour se prolonger jusqu’en bas... Les plus chanceux, ou hardis, allaient jusqu’aux premières fanges, sous les saules. L’après-midi se passait comme cela avec, comme viatique, une bonne tartine beurrée, accompagnée d’une timbale d’eau, de limonade ou de bière de table de la célèbre “Brasserie de Kérinou”. Les remontées en cours d’exercice, étaient cependant un peu dures, puisque répétées, et les jambes plutôt molles pour regagner la maison...
Aimeriez-vous revoir le “P’tit Ménez” ou, tout au moins son sentier, ne serait-ce que pour vous asseoir et goûter sous les frais ombrages ? Ou simplement, comme autrefois, pour aller vers les Quatre-Pompes chercher un attrait non encore revenu...

F. KERGONOU