ECHO DE SAINT-PIERRE N° 57 - Septembre 1993
PROMENADE AUX QUATRE-POMPES
Jai eu la joie dernièrement de rencontrer lune des demoiselles de cette honorable famille qui tenait autrefois un commerce aux Quatre-Pompes. Certes, il y a de cela bien longtemps... Cétait un débit très bien situé dailleurs, à langle de cette petite route qui sen allait vers la Maison Blanche. Notre charmante demoiselle, toute auréolée de sa jeunesse, avait alors 18 ans. Depuis, 72 ans et plus ont passé... Mais les souvenirs, toujours bien vivants, demeurent. A travers le passé, ils illuminent le présent...
Très animé ce quartier des Quatre-Pompes. Les promeneurs avaient même le plaisir de pouvoir sattabler à lun des deux bistrots, pour mieux en goûter le charme. Cela faisait partie de la promenade, sans pour autant déroger aux bonnes habitudes. Animation certes... La proximité du port de guerre le voulait ainsi. Cétait les compagnies ou sections de marins, allant ou revenant de lexercice, qui passaient au pas cadencé, tandis quen loin, derrière le môle, lon entendait le clairon. Ces sonneries se passaient de lun et lautre des trois bateaux de lEcole des Mousses. Le Gueydon, le Trémintin (appelé autrefois le Montcalm) et la glorieuse Armorique, semi-voilier vétéran de la guerre de Chine. Et puisque nous y sommes, ajoutons, en regardant plus loin vers Laninon, le Magellan, le Borda et le Dauphin de lEcole Navale...
Chaque semaine, les marins de la garnison du Portzic venaient apprendre à ramer et à godiller. On est marin ou on ne lest pas !... Une façon aussi déchapper à la vie sédentaire du Fort. La manoeuvre ne se faisait pas sans peine. Mais tout était prévu. Le débit avait lautorisation de vendre de la limonade aux assoiffés, et du pain/pâté, tout droit venu des Quatre-Moulins, aux affamés. Le second-maître, pour sa part, pouvait prétendre à un bock de bière, doux privilège du grade. Possibilité également de boire de leau, bien sûr... Pas besoin daller bien loin pour la trouver. Simplement au premier hangar daéronautique, tout proche. Dailleurs, les gens des Quatre-Pompes ne faisaient pas autrement. Certes, il y avait bien ce joli ruisseau qui descendait de la vallée. On laimait bien, mais de là à boire son eau au risque davaler une petite anguille !...
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ECHO DE SAINT-PIERRE N° 58 - Octobre 1993
PROMENADE AUX QUATRE-POMPES (suite)
Le café des Quatre-Pompes avait une salle de bal. Rien de moins. Rendez-vous assez prisé par les marins, ne serait-ce que par la proximité du port, sans parler du passage des promeneurs et de la déferlante jeunesse, le dimanche. Il arrivait même quon y fasse des repas de mariage. Le sol était tout simplement de terre battue. Lharmonica ou le vieux phonographe donnaient la mesure. La surprise fut totale quand un célèbre magasin de la rue dAiguillon vint livrer un piano mécanique. Payable en six mois, certes, mais folie tout de même disait le père... La mise était de deux sous et attirait bien du monde à la ronde... et même de la Grande Rivière. A ce propos, un client de ce quartier avait une jambe de bois. Patience aidant, celle-ci ne lempêchait pas de venir jusquà notre bistrot. Cest vous dire la réputation. Eh bien ! A chaque fois quil devait repartir et il le fallait, que croyez-vous, nous sans humour, que jouait le piano ?... Vous lavez deviné. Cétait Elle avait une jambe de bois. La bonne humeur quoi ! A propos, vous ai-je dit que le piano fut payé en moins de quatre mois ?...
Mais, attention ! Du calme... Cest dimanche et lheure est tardive. Il arrive que les gendarmes, à cheval, au nombre de deux, fassent leur ronde. Leur silhouette derrière les vitres. Tout devient silence et lon se réfugie dans la cuisine... Allez debout ! Voici enfin le jour tant attendu du pardon des Quatre-Pompes. Le temps est beau, la mer toute bleue, et la marchande de bonbons dresse déjà son étal sur la petite place. Tout à lheure, ce sera au tour du fameux mât de cocagne que les costauds dresseront à proximité. Et la course aux canards ! Vous souvenez-vous davoir vu quelquun attraper lun de ces palmipèdes ? Pas moi : Et la course des nageurs et nageuses, des Quatre-Pompes à la Maison Blanche, aller et retour, cela va de soi, vous souvenez-vous encore des champions ? La cabane des douaniers, construction en pierres, sur le sentier qui montait vers la Maison Blanche, étonnait par sa petitesse et pourtant elle pouvait contenir jusquà quatre agents. Inutile de me contredire car on les connaît bien. De quoi étaient-ils chargés ? Là commence une autre histoire. Ce que je peux vous affirmer, cest que les homards pêchés ne devaient pas faire moins de 18 centimètres... Alors, à bon entendeur !
Allez ! Je vous laisse encore regarder le vieux môle et le petit port où se balancent les barques multicolores. Enchanteur, ce coin des Quatre-Pompes. Asseyez-vous donc sur lherbe à moins... à moins que vous ayez décidé de prendre votre repas du soir, à même les galets, le long du petit mur, sur la grève ou plus loin à deux cents mètres, à la Roche Plate.
F. KERGONOU.