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ECHO
DE SAINT-PIERRE N° 259, janvier 2014
Une profession
aujourd'hui disparue. Elles étaient pourtant nombreuses les lavandières
avant la guerre 39/45, quand la Mère Denis allait au lavoir. Des
lavoirs il y en avait un peu partout : Prat-Lédan, Pontaniou,
Kerarros, Kerastel, La Grande Rivière, Kergrac'h, Saint-Pierre au bas
de la place, Barullu, La Sallette. À la campagne chaque quartier avait
son doué (lavoir).
Le lavage du linge
Une centaine de femmes étaient blanchisseuses, un dur métier
surtout en hiver, agenouillées dans leur caisse en bois les dos mis à
rude épreuve. Après un premier décrassage, le linge devait être bouilli
: avant l'invention de la lessiveuse cela se passait dans la "maison de
buée".
Celle-ci comportait une pièce, au sol recouvert de dalles en
pierres avec dans la cheminée une grande cuve d'eau. La chef de
buée devait entretenir le feu. A tour de rôle les blanchisseuses
amenaient leur linge mouillé pour l'étaler à même le sol, deux piquets
de bois disposés en croix séparant le lot de chacune. Au fur et à
mesure l'on versait de grandes louchées d'eau afin de bien tremper le
linge, on y ajoutait de la cendre de bois ( la lessive de l'époque).
Quelle ambiance ! À la lueur du foyer, on distinguait
difficilement les personnes dans cette atmosphère de vapeur d'eau
et de fumée.
Le linge bouilli était de nouveau savonné, brossé. Le dernier
rinçage se faisait dans une eau gardée propre. Après cela il fallait le
sécher, soit sur les touffes d'aubépine soit sur des cordes
tendues à cet effet.
C'était tout une organisation avec une chef de lavoir, une responsable
de la buée. Le soir, la planche retenant l'eau était enlevée et le
lavoir lavé au balai-brosse, puis la sortie bien colmatée, afin de
remplir le lavoir pour le lendemain.
Radio lavoir
Les blanchisseuses avaient une réputation de langue bien pendue, la
télévision n'existait pas, mais, tout se savait (la radio-lavoir), les
disputes éclataient parfois et la responsable avait du mal à ramener le
calme.
Lavoir à la campagne
Chez nous à la ferme la blanchisseuse se rendait au lavoir situé dans
la prairie. Un beau lavoir avec sa fontaine, le tout en pierres de
taille. Il avait été construit par la Marine en échange d'un lavoir
existant près de Kergrac'h (à la Cavale Blanche). La Marine l'avait
accaparé pour une captation d'eau destinée à l'arsenal. On peut
toujours voir l'enclos entouré de deux enceintes.
Du lavoir de la prairie il ne reste plus rien, il fut démoli vers
1925. En effet la blanchisseuse ne voulait plus s'y rendre, car
les clochards, venus des remparts de Queliverzan, avaient trouvé
l'emplacement idéal pour laver ce qu'ils possédaient sur le dos et en
attendant que cela sèche, une petite bronzettesur le pré. Le naturisme
n'était pas encore à la mode.
Jean Pochart
LES LAVOIRS D'ANTAN
Chacun a le droit d'avoir bien sûr son opinion
Sur les anciens lavoirs où l'on parlait chiffon
S'il reste au fond de toi un brin de nostalgie
Préserve ces endroits pour ne pas qu'on oublie
On ne parlait de nitrate aux lavoirs d'antan
Et pour brasser I'eau froide, il n'y avait pas de gants
Pas d'enzymes gloutons, de poudre qui lave plus blanc
Mais un bout de savon et la brosse à chiendent
Pourtant, il fallait bien qu'on lave son linge sale
Parfois, les petits potins faisaient les grands scandales
Les oreilles sifflaient quand bouillaient les torchons
Parfois ça finissait en crêpage de chignon.
Toutefois, il y avait des lavoirs paisibles
Où, à l'orée d'un pré, coulait une eau limpide
Même s'il fallait brosser, rincer, courber le dos
La tâche était allégée par le chant des oiseaux
À vélo ou à pied, au temps de mon enfance
Je passais repassais rue de la Résistance
Mes tympans résonnaient de ces coups de battoirs
Lorsque j'escaladais Ia côte du lavoir.
A la force de tes bras, qu'il gèle, qu'il fasse chaud
Aucun ange ne t'aida à porter ton fardeau
Pour toutes ces brouettes montées du Barulu
Je le dis sans blasphèmes "Tante Marie, je te salue"
II est bien révolu le temps de la mère Denis
La lessiveuse s'est tue mais encore aujourd'hui
Prêcheuses de bonne morale, gourou, hommes politiques
Déballent leur linge sale sur la place publique
Chacun a le droit d'avoir bien sûr son opinion
Sur les anciens lavoirs où l'on parlait chiffon
S'il reste au fond de toi un brin de nostalgie
Préserve ces endroits pour ne pas qu'on oublie.
J.Gourmelon
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