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ECHO DE SAINT-PIERRE N° 258, décembre 2013



Poète et paysan …
Jean Gourmelon est né en 1944 à Keranquéré, en Saint-Pierre, où ses parents exerçaient le métier de maraîcher. Très jeune, pris de passion pour le vélo il prend une licence au Club Cycliste Quilbignonnais. Faisant suite aux lotissements, l’exploitation disparaît en 1962 et la famille se retrouve à Guipavas. Après son mariage Jean et son épouse travaillent à Bourg Blanc puis à Kerambleau en Guipronvel. Pendant 25 ans ils y exerceront le métier de pépiniériste et paysagiste.
Désormais à Lanildut ils profitent d’une retraite bien méritée. Pour arrondir les fins de mois ils ont ouvert 3 chambres d’hôtes et pour animer les soirées Jean chante les chansons de son répertoire en s’accompagnant du piano, de la guitare ou bien de l’accordéon.
    Mémoire de Saint-Pierre salue son talent poétique au service du pays de son enfance.

Le semoir de mon père

Tu étais bichonné comme le fils d'un roi
Papa t'avait huilé, réglé encore une fois
Dans la brouette en bois, il t'emmenait vers les champs
La terre finement hersée attendait cet instant.

Que de sillons tracés et de graines semées
De sueur coulée, d'énergie déployée !
Quand le terrain s'élevait, papa s’arc-boutait
Mais il ne s'arrêtait qu'à la nuit tombée.

Ah ! Quand je te regarde, semoir de mon père,
Toi qui l’accompagne pendant plus de quarante ans,
Mon cœur part en ballade et revoit cette terre
Où germaient autrefois mes plus beaux rêves d'enfant !

Et papa s'en allait, le matin après la messe,
Voir si la graine germait et tenait ses promesses,
Une ballade mêlée de doute et d'espérance
Au risque de gâcher le reste de son dimanche !

Une pointe d'émotion dans ses yeux traduisait
Cette satisfaction du travail bien fait
Quand il avait aperçu les plantules fragiles
De poireaux, de laitues, de carottes, de persil.

Ah ! Quand je te regarde, semoir de mon père,
Toi qui l'accompagna pendant plus de quarante ans
Mon cœur bat la chamade, je revois cette terre
Où s'envolèrent quelques uns de mes rêves d'enfant !

Puis le sol se couvrait, annonçant les moissons,
Les cueillettes s'étalaient au rythme des saisons
Et si quelques ratés faisaient palpiter le cœur
Cent fois sur le métier, vous repartiez au labeur.

Quand je vagabonde un peu, du côté de Saint-Pierre,
Je vous revois tous deux, épousant cette terre
Autant que je vivrai, du printemps à l'hiver,
Jamais je n't’oublierai, semoir de mon père.

J. Gourmelon
 Été 1989



Mémoire d'une roue de tombereau

J'ai usé ma ferraille, le long des chemins creux,
Sous les charges de paille, à faire plier l'essíeu.
Avec ma sœur jumelle, sur ces sentiers pierreux,
J'érafIais aux chandelles les talus poussíéreux.

Nous r'montíons les venelles qui ramenaient des champs
Par des ornières rebelles aux cahots incessants
Quand les "hue !” du charretier, ponctués de coups de fouet
A l'attelage maintenait un rythme effréné !

Et quand le lourd tombereau, chargé de cordes de bois
Sous le poids du fardeau víbrait, quel fracas !
Le souflle des chevaux, mêlé au bruit des pas,
Annonçait au hameau, I 'arrivée du convoi.

A présent, me voici à l'heure de la retraite,
Quand la roue a tourné, vient le temps du repos,
Mais, tant qu'il y a de la vie, pourquoi ne pas faíre Ia fête,
Si ça peut amuser encore quelques marmots !

Ce n'est pas au musée, ni à la foire du trône,
Pas plus qu'à Lunapark que ma vie finira
Tournez manèges, tournez, mais sachez bien, les mômes,
Qu'à cette heure, j 'ai déjà plus d'un tour dans le sac !

Le jour où les rayons se détacheront de l'axe
Laisseront I'anneau de fer tomber sur le carreau,
L 'auréole cernera l'ultime habitable
Dans l'humble cimetière d'une roue de tombereau

J. Gourmelon
Hiver 1987


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