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ECHO DE SAINT-PIERRE N° 243, mai 2012

Boucheries et abattoirs à Saint-Pierre
      
    Dans notre famille, nous  sommes bouchers depuis 1935. Mon père, Louis Pochart a changé de métier abandonnant celui de maraîcher (à Keranquéré) pour prendre la succession de Madame Eusen, bouchère au 33 rue de la Mairie (cet immeuble a été rasé pour l’agrandissement du parking). Les deux employés Louis Loussot et Jean Le Berre sont chargés d’apprendre le métier à leur nouveau patron.
A cette époque les quartiers de bœuf étaient découpés, mais pas désossés, tout était vendu en bœuf à jus, ragoût, pot au feu, très peu de beefsteak. On a appris à dénerver et ficeler la viande, par un ouvrier parisien. Celui-ci recherché par les Allemands avait trouvé refuge à la boucherie, muni d’une fausse carte d’identité.
La viande était vendue fraîche, la clientèle n’appréciait pas la marchandise passée en chambre froide. Les premiers  appareils frigorifiques sont apparus en 1937-1938, auparavant c’étaient les glacières, les barres de glace étaient fournies par la Brasserie de Kerinou. Le commerce était ouvert dès 6h30 tous les jours de semaine, même le dimanche matin.
Les gens mangeaient énormément de viande car chaque semaine nous débitions 2 bœufs et 6 à 7 veaux.
La majorité des boucheries était fermées par une simple grille, laissant passer le courant d’air et une fraîcheur constante, le sol cimenté ou carrelé était recouvert de sciure de bois pour ne pas glisser.

1945-1951
    En 1945 du fait de la destruction du Pont National (le grand pont) reliant la Rive Droite à Brest, les bouchers et charcutiers se sont organisés et ont occupé les trois abattoirs existant sur notre rive, à savoir l’abattoir Aballain aux 4 Moulins, Pochart à Pouléder et Le Moign à Kernabat. Tous les bouchers et charcutiers les utilisaient :
- à l’abattoir des 4 Moulins on trouvait les charcutiers (Aballain, Illiou, Madec)
- à Pouléder : les bouchers de Recouvrance (Jean Labbé, Louis Floch), de Kérangoff (René Guéguen), du Ruisan (René Pochart), de Beg Avel (François Marie Marc), du bourg (Louis Pochart)
- à Kernabat : les bouchers du bourg (Jean Le Moign), du Petit Paris (Guillaume LeMoign), de Kerbonne, (François Petton), des 4 Moulins (Louis Moal), de Recouvrance (Joseph Abgrall, Jean Rivoual).

Louis Marc, en accord avec Louis Pochart avait loué un garage et après aménagement, ce fut le début de l’entreprise Beg Avel.
Le travail s’y déroulait dans une ambiance  « bon enfant », où tout de même les vieux garçons bouchers faisaient la loi, mais aimaient par contre le travail bien fait à la main, pas de mécanique ni d’électronique à cette époque. Les veaux abattus étaient gonflés à l’aide d’une pompe à main, ce qui facilitait l’enlèvement de la peau. Le morceau de rôti servi au magasin avait une belle présentation mais diminuait beaucoup à la cuisson (cette pratique a été abandonnée en 1948-1949).

Ces années ne se sont pas passées sans situations épiques comme l’histoire d’un taureau en furie qui casse son attache et va vagabonder dans le bourg. Lors des journées d’abattage (en milieu de semaine) les blanchisseuses du Barullu et de La Salette voyaient l’eau du ruisseau passer au rouge avec le sang s’écoulant directement de l’abattoir ; aux 4 Pompes les poissons devaient se régaler.
Cette situation a perduré jusqu’en 1951, l’état sanitaire des lieux n’était plus aux normes. Aussi quelques bouchers ont opté pour rejoindre l’abattoir municipal de Brest, d’autres se sont fait livrer par les grossistes. Ce fut la fin des abattoirs de Saint-Pierre.
Il y avait aussi 3 inspecteurs sanitaires chargés d’évaluer l’état sanitaire des bêtes : Mrs Tréhoret, Feuillant et Vaillant. Ils devaient aussi comptabiliser le poids des bêtes pour la taxe d’abattage.
Les peaux étaient salées et stockées dans un appentis en fin de semaine, elles étaient classées et débarrassées par la maison Morvan.
Les tripes et les abats étaient transformés par la société Kervern de Kerinou.
PS : les deux boucheries restantes sur la Rive Droite sont situées au Petit Paris et au bourg.
photo de Jean Pochart, ancien boucher rue Paul Masson


Jean Pochart



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