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ECHO DE SAINT-PIERRE N° 240, février 2012

Le tram d'hier
 A Brest, au 20ème siècle
      
« Voitures de cirque exaltant un chocolat ou un vermouth sur fond de peinture jaune dans un bruit de ferraille » : c'est la vision de l'écrivain Henri Queffelec.

Saint-Pierre eut deux terminus de tram. L'urbain allait à "Brest même" (1898-1944). L'autre, doté d'une gare, menait au Conquet après plusieurs arrêts (1903-1932). Le terminal Est sera déplacé au Prat-Lédan en 1908.
Ces tramways sur rails d'un mètre d'écartement, alimentés par caténaires, prenaient ainsi la suite de  voitures hippomobiles qui furent les précurseurs des transports en commun brestois. La compagnie de diligences « L'hirondelle » fut peut-être la plus prestigieuse ; elle jettera l'éponge en 1903.

Pourquoi ?
La modernisation des transports était alors en plein essor en Europe, l'électricité devint souvent la source d'énergie idéale.
Le gouvernement déclara le tramway Saint-Pierre - Le Conquet d'utilité publique. Outre ses fonctions civile et estivale évidentes les autorités y virent un moyen de déplacer des troupes en cas de débarquement ennemi.

Les acteurs
Ce projet vers le ponant fut attribué à M. Hérodote, choisi parmi sept prétendants à l'aventure.
Le chantier mobilisa de nombreux ouvriers durant deux années. Les grèves fournirent les galets pour le ballast.
Parallèlement à la pose des rails l'usine de Pont-Rohel (Porsmilin) est construite ; sa cheminée montera à trente mètres. Cette structure servira à la production d'électricité pour le tram (par machines à vapeur) et sera la remise des voitures, des matériels.
Une trentaine de motrices de couleur jaune constituaient le parc ; les demi-tours étant impossibles, deux postes de conduite existaient. Une remorque à l'air libre, la « baladeuse », était parfois adjointe au tracteur sur la ligne du Conquet en été, temps permettant.
Chaque voiture était conduite par un wattman, une receveuse s'occupait de délivrer les tickets, tous deux étaient en uniforme bleu marine.
Ce mode de déplacement, était fort prisé ; les passagers accrochés aux barres extérieures, faute de place, en attestaient.

Anecdotiquement
Le tram servait à l'occasion de pare-vent pour les piétons du Grand Pont, il fallait presser le pas.
Le sens railleur du Yannik n'épargna ni sa lenteur ni son manque de fiabilité ; on en riait, affectueusement.
Il s'est dit que dans la côte de Pont-Rohel un homme pouvait descendre boire un coup puis rattraper le véhicule et que les passagers durent parfois descendre pour alléger  et pousser le poussif.
Malheureusement, les incidents et accidents ne furent pas rares, ce qui amena les usagers à surnommer l'engin.

Le péril jaune
Bien que le conducteur usait fréquemment de sa sonnette d'avertissement, des piétons ou cyclistes furent renversés.
Par exemple, un chinois se laissa surprendre mais fut heureusement bien soigné à l'hôpital ; sa nationalité donne tout son sel au fait divers.
Au moins à trois reprises, en 1905, 1908 et 1942, dans la descente qui mène des 4 Moulins à Prat-Lédan, le «Péril» dérailla à cause de freins déficients.
En 1939 un tram urbain se vit pousser des ailes et atterrit dans la vitrine du Café de France. A Saint- Pierre, une automobile judicieusement garée servit de tampon et évita à la pharmacie Conan d'accueillir par sa vitrine de trop nombreux clients.

La guerre, la fin
Il y eut nombre de collisions entre véhicules militaires et trams, inévitables en ces temps troublés...
En 1944, réalisant que sa défaite était inéluctable, l'ennemi utilisa la pratique de la «terre brûlée», détruisant ce que les bombes avaient, par hasard, épargné.
Ce fut le coup de grâce pour le tramway brestois, cars et bus le remplaceront.

Mais...
68 ans plus tard, on peut espérer qu'il renaîtra, tel un Phénix, au printemps prochain.

Les Citadis arrivent.


Jean Luc Coat


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