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ECHO
DE SAINT-PIERRE N° 237, novembre 2011
L’ARBRE DE LA LIBERTÉ
Imaginez-vous,
qui plus est pour un arbre, d’être ainsi désigné par l‘une des trois
valeurs de la République. Il est là, majestueux, au centre de la place
Quilbignon. Tellement d’ailleurs qu’il en remplit le paysage. C’est un
chêne avec toute la rusticité que cela représente. Bien de chez nous,
c’est sans doute pour cette qualité première qu’il fut choisi et planté
à cet endroit sur décision du Conseil Municipal de la commune de
Saint-Pierre Quilbignon le 14 juillet 1881. Tout un symbole ! C’était
il y a 130 ans. Quelle histoire depuis…
Le champ de bataille
Il y a bien longtemps, cette place n’existait pas.
L’église, certes, mais entourée d’un bois dont les frondaisons s’étendaient
jusqu’aux abords de la mairie (1). L’endroit était en pente pour
aboutir vers le lavoir ; Imaginez, le décor… Puis vint le temps d’une
place centrale prenant le nom de « Champ de bataille ». D’ailleurs
mes parents ne l'appelaient pas autrement, comme nous autres, écoliers
des années 30… Champ de manœuvre pour les militaires, peut-être, au
même titre que le champ de bataille de Brest-ville devenu place Wilson
?
Vive les pompiers !
Pour ma part, sur cette place pentue de
l’avant-guerre, en guise de manœuvre, je n’ai connu que celle des
pompiers de la commune. L’arbre était déjà impressionnant, plantant ses
racines dans cette bonne terre de chez nous.
Ce chêne reste très fréquenté par les oiseaux parmi
lesquels les pinsons qui tapissent leur nid du lichen de l’arbre. Mais
là n’est pas le principal. Parlant de manœuvre donc, les pompiers de
l’époque d’avant-guerre étaient déjà impressionnants. Le camion,
certes, rutilant de ses cuivres, tout comme les casques des servants.
Ça brillait de partout… Avec cela un moteur assez sonore pour qu’on
l'entende à se boucher les oreilles. La pompe puisait dans le
lavoir tout proche. Pas de blanchisseuses, c’était le dimanche matin
entre deux messes. Autant dire qu’il y avait des spectateurs, contents
de se sentir sécurisés et même parfois arrosés.
Oui, mais, et le chêne dans tout ça ? Vous l’avez deviné, bien sûr… Il
était la pièce centrale de l’exercice. En effet les pompiers, au comble
de la gloire du jour et dans un sursaut maximum du moteur se devaient
d’atteindre le sommet de l’arbre avec le jet d’eau. Réussi ? Oui ! Les
applaudissements prouvent la satisfaction générale. Ah ! Les pompiers
de Saint-Pierre… Qu’il vienne le feu maintenant ! Tant pis pour les
pinsons…
Notre histoire, la guerre, autres incendies
L’arbre a partagé ces tristes années de guerre avec
nous, il est des nôtres. Tout d’abord l’incendie – le grand incendie –
des cuves à mazout de la Marine en juin 1940. Toute une population qui
reflue vers le bourg, l’arrivée de l’occupant le lendemain, quel drame
! Et puis ces bombardements, de jour comme de nuit, qui se sont
succédés au fil des années. Les feux d’artifices de la D.C.A.(2)
avaient remplacé les retraites aux flambeaux des fêtes nationales
d’antan… Regardez, observez les cicatrices de notre chêne, il porte
notre histoire en lui. Ce sont les balles et les éclats des
bombardements et des combats. C’était le chemin de la Liberté, il en
porte le nom, et nous en sommes fiers.
François Kergonou.
1) l’ancienne mairie de St Pierre (1868) au coin retour
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