S'il reste aujourd'hui 4 fermes à Saint-Pierre
Quilbignon, en 1940 il y en avait une centaine. Les terres agricoles
sont devenues urbaines depuis.
A cette époque, fin Juillet était
une période importante, l’occasion de sortir la moissonneuse-lieuse de
marque "LA FRANCE". Il fallait installer les toiles, monter les
rabatteurs, huiler les engrenages (les graisseurs ne sont pas encore
inventés), garnir le logement pour la ficelle de sisal et affûter les
lames des couteaux. Pour tourner la meule on faisait appel
aux enfants.
Avant d’y envoyer la machine on devait faire
le tour du champ à la faux en ayant soin de bien dégager les coins. Les
gerbes étaient liées à la main par un fétu de paille, heureux
quand celle-ci était assez longue.
La lieuse était tractée par trois chevaux, on
mettait de deux heures à deux heures et demie pour couper un hectare.
Le champ moissonné, on dressait les gerbes en javelles, et parfois en «
cocuhats » (grandes javelles) de soixante gerbes. Là nous
étions tranquilles, la récolte ne craignait plus la pluie.
Le transport des gerbes du champ à l'aire à battre
se faisait par charrettes. Celles-ci avaient une base très étroite, les
gerbes débordaient largement sur les roues et sur les "ridell"
(bord de la charrette). Pour maintenir la charretée on disposait de
deux grandes cordes, munies chacune d'un troell (outil pour accrocher
la corde) ; malgré ces précautions il n'était pas rare, quand la paille
était bien sèche, que la voiturée se renverse (un mauvais point pour le
charretier).
Une fois la récolte rentrée, les glaneurs
(pennaouer) étaient autorisés à venir ramasser la paille et les épis
restants, pour la nourriture de leurs poules.
Sur l’aire, on trouvait trois meules. La plus grande
était celle du froment et les deux autres, plus petites, celles de
l’orge et l’avoine, avec un passage entre elles pour placer la batteuse.
Quand la batteuse arrivait, tous les voisins étaient
là. Quelle effervescence pour affecter le poste de chacun en fonction
de leurs compétences : deux hommes pour jeter les gerbes sur la
table, deux pour couper les liens, un pour alimenter la machine, deux
ou trois pour porter les sacs de grains au grenier, un pour dégager la
balle, cinq pour transporter la paille. En général le patron arrimait
le tas de paille, ce travail fut facilité par l'arrivée de la
presse-paille.
Pendant ce temps, les femmes passaient régulièrement
pour servir les hommes assoiffés ; "l'honneur de la maison
était en jeu".
A Kergrac'h (ferme dans le quartier de Kervallon)
les travaux duraient toute la journée, cela se terminait par un grand
repas appelé le "peurzourn" (fin du battage). Le lendemain matin on se
retrouvait tous chez le voisin.
Actuellement les moissonneuses-batteuses ont
remplacé tout ça, mais les souvenirs demeurent ; nostalgie
nostalgie.
PS : La première moissonneuse–lieuse est arrivée à
Kerstéria (usine Thales actuellement) en 1915. Elle a remplacé
avantageusement l’ancienne faucheuse ; celle-ci, en plus des deux
hommes sur la machine, nécessitait la présence de huit hommes ou femmes
pour lier les gerbes.
Le battage chez Kerneis au Vernis (Sainte-Anne du Portzic)

des chevaux au travail dans un champ situé à l'emplacement actuel de la rue Garcia Lorca
Jean Pochart