ECHO DE ST-PIERRE N° 23, Juillet / Août 1990

LE PHARE DE PORTZIC

Il est là, dressé comme une sentinelle, gardant le goulet, dominant la rade. Inclus dans ce paysage depuis bientôt 150 ans, il veille discrètement: voici son histoire.....
D'après les notes et archives de Michel Floch et du journal "l'Ouest-Eclair" du 30/11/1929.


Une loi du 6 août 1844 accordait un crédit de 2 500 000 Frs pour l'établissement de nouveaux phares sur les côtes de France. Parmi eux figuraient le Minou et le Portzic pour une somme de 220 000 Frs.
Le phare du Portzic de 2ème ordre fut allumé en 1846 mais voici ce qu'en dit le chroniqueur du 30 novembre 1929.
En ce jour le chef en était Monsieur Jézéquel, 57 ans, 33 ans de services de phare , phare de 33,40 mètres de haut, 56,20 mètres au dessus de la mer. On y voit, à la ronde le clocher de St Pierre, celui de St Martin, la rue Jean Jaurès (Brest), le pont de Plougastel.

-POSTE DE VEILLE

Le veilleur est assis dans un fauteuil de bois posé dans l'étroit chemin de ronde.
"C'est ici mon poste de veille, dit le gardien, depuis 26 ans j'y passe la moitié de la nuit. Nous assurons le service à deux, l'un va jusqu'à minuit, l'autre jusqu'au matin. Quand nous aurons l'électricité, finie la corvée du pétrole, ce sera pour l'année prochaine... Espérons-le.

-ELECTRIFICATION (renseignements par l'ingénieur des Ponts et Chaussées).
Le projet date de plusieurs années. II ne s'est pas réalisé tout de suite du fait de malentendus entre administrations. La réalisation est prévue au beau temps (donc 1930).
Une ligne de 11 000 volts partira du transformateur de la Batterie de sept pour rejoindre sur une distance de 1800 mètres l'entée du fort du Portzic.
L'alimentation électrique du phare se fera en 115 volts à partir du nouveau transformateur qui y sera construit. Feux à Pétrole supprimés, cela va de soi, et remplacés par une lampe à, incandescence de 5 Kw. Allumage et extinction automatiques, allumeur astronomique au coucher et au lever du soleil. En cas de panne, le relais électrique actionne une sonnerie dans la chambre du gardien. Moteur à essence en secours.
Le maire de St Pierre a adressé une demande pour que les populations avoisinant le passage du câble puissent bénéficier de l'électrification (quartiers de Quatres-Pompes, de la Maison-Blanche et fermes rapprochées).
En 1929 donc , le pétrole était toujours l'élément éclairant du phare. Le combustible était entreposé en bidons de 50 litres dans le local de droite du premier palier, le local de gauche étant la chambre du gardien. II fallait monter ces bidons sur l'épaule, rude effort tout au long des 160 marches qu'il fallait gravir. A titre indicatif, la consommation était de 27 litres par nuit. Le mécanisme est un système de contrepoids qui date de 1846.
...Les années ont passé, le Phare du Portzic regarde toujours la mer.

F. Kergonou

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ECHO DE SAINT-PIERRE N° 130 - février 2001

LE PHARE DU PORTZIC

 

    De tous temps l'homme s'est aventuré à naviguer, n'ayant pour seules contraintes, hormis les éléments déchaînés qu'il devait affronter, que la difficulté à s'orienter en mer et la crainte de s'échouer sur les écueils meurtriers, aux abords des côtes inhospitalières. Afin d'éviter l'hécatombe des naufrages - dont certains furent volontairement provoqués, comme nous le rapporte la chronique du pays « Pagan » - la nécessité de construire des phares s'est vite imposée. Pour être efficace, la lumière d'un phare devait être vue de loin, ce qui dictait sa hauteur et sa puissance.

    C'est sous l'impulsion de Charles-François Beautemps-Beaupré (1766-1854) que la cartographie marine des côtes fit d'énormes progrès, permettant d'une manière efficace de répertorier les écueils à éviter et les routes à emprunter. Durant la première moitié du XIXème siècle, il fut chargé de superviser la construction des phares. Durant cette période Fresnel mit au point la lentille à échelons, ce qui permit d'améliorer l'efficacité des phares.

    La loi du 5 août 1844 autorisa le déblocage d'un crédit important de 2,5 millions de francs pour construire de nouveaux phares sur les côtes de France. Ce budget comprenait pour un montant de 220000 F la construction des phares du Minou et du Portzic. Le phare du Portzic mesure 33 mètres de haut et son feu culmine à quelques 56 mètres au dessus du niveau des pleines mers. Entièrement construit en pierres de taille provenant des carrières de granite de l'Aber Ildut, il est de section octogonale et son escalier en colimaçon totalise 160 marches. Il fut allumé en 1846 et électrifié en 1930. Jusqu'à cette date, sa lumière provenait d'une lampe à pétrole de niveau constant et possédant 4 mèches.

    Cette lumière décuplée par de puissants prismes était visible à 20 milles marins (37 km). Au bas de l'escalier, deux bustes en bronze de Beautemps-Beaupré et de Fresnel rappelaient aux visiteurs que la participation émérite de ces hommes au développement des phares fut et reste la meilleure sauvegarde des marins. Ces bustes sont aujourd'hui conservés à la subdivision des phares et balises de Brest, situé au port de commerce.

    Jusqu'en 1930, date de l'électrification, les gardiens devaient transporter à dos d'homme, au faîte des 160 marches, des barils de pétrole de 50 kilos. La consommation était de 25 à 30 litres par nuit. 

    Le maire de St-Pierre, Victor Eusen, saisissant l'occasion offerte, réclama que cette opportune électrification puisse servir également aux quartiers riverains. La Maison Blanche, les Quatre-Pompes et les fermes avoisinantes purent ainsi profiter du confort électrique quelques années après le bourg de Saint-Pierre.

Aujourd'hui, entièrement automatisé, le phare n'a plus de gardien.... Ainsi va le progrès sans cesse renouvelé et oublieux des efforts passés que nos aînés, illustres ou non, ont su consentir pour nous bâtir un avenir meilleur. Qui s'en souvient aujourd'hui ? On peut rêver. D'autant que le rêve se perpétue peut-être par la présence, au pied du phare, du sémaphore de la Marine qui entretient en ce lieu sauvage et escarpé, une activité humaine qui éclaire et réconforte nos souvenirs.

M. Baron