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ECHO DE SAINT-PIERRE N° 210 février 2009

"À  LA  PIQUE" au jardin du père Benoit
     

    Les années trente… C’est un agréable souvenir…De l’autre côté de la route, le jardin Gouez, le jardin du père Benoît. Cet endroit est mystérieux car séparé du chemin par un mur tout en hauteur. La porte d’accès, vermoulue, entretient le mystère car n’étant pas souvent ouverte. Ceci attise d’autant la curiosité. Pour mieux découvrir ce paysage, il me faut monter à l’étage de ma maison …Juste en face...
    Au fond tout là bas, une ancienne et petite carrière, ouverte vraisemblablement pour fournir la pierre lors de la construction du mur. A présent le lierre, retombant, la dissimule en partie pour devenir le paradis des oiseaux. Sur la gauche, une cabane abrite le vieux jardinier et ses quelques outils… Dans un décor si paisible, le père Benoit est enclin, c’est sûr,  à y faire la sieste. Le dimanche, jour de repos par excellence, la famille  vient même y passer la journée, préparation des repas comprise. D’ailleurs, quoi de plus simple puisque la petite épicerie de ma mère est ici, de l’autre côté de la route. Cinq sous de moutarde, servie dans un verre ou deux sous de sel dans les mêmes conditions, sans parler des petites douceurs, quelques bonbons à la sortie, puisque c’est dimanche. Le bonheur parfait quoi !...
    C’est un havre de paix et de tranquillité, les oiseaux n’y manquent pas, ils se sont emparés de l’endroit. Leurs cris et leurs chants font merveille. En hiver des bandes d’étourneaux viennent même, hardiment,  s’accrocher aux  branches supérieures des quelques pommiers. Grande activité, donc, dans le jardin du père Benoît !...
La pique aux pommes   
    Et moi dans tout ça ?...Eh bien, je suis là assis devant la fenêtre grande ouverte, contemplatif, le menton reposant sur les avant-bras… Au dessus de la porte du jardin trône un imposant pommier couvert de fruits rouges à l’automne, objet de la convoitise des habitants du quartier et, particulièrement, des enfants …Cela vous étonne ? …
    Pensez-vous que, sous leurs mines innocentes, les garçons d’ici et d’ailleurs y restent insensibles ?...Que non… En ce temps-là, la route était simplement empierrée d’où une réserve importante de projectiles dans le fossé. Vous avez compris la suite…Quelques cailloux délicatement lancés et les pommes roulent dans l’allée en pente à l’intérieur du jardin. Allongé, l’un des garnements, glisse sa main gourmande sous la porte, quelquefois aidée d’un bâton. Pas très beau tout ça !… Plus bas, finissant vers la maison du lavoir, le mur de soutènement, aux pierres disjointes, supporte une haie d’aubépines. Ma mère n’apprécie pas que nous nous approchions de cet endroit car, dit-elle,  c’est un repaire de salamandres. Ces petits animaux bariolés de jaune et de noir, de la famille des lézards, n’ont guère bonne presse dans le quartier, ils sont même accusés de sauter aux yeux de ceux qui oseraient trop raser les murs, étonnez-vous après cela que nous prenions nos distances !...C’est là aussi, le charme du Barullu avec, déjà, comme un parfum d’aventure en quittant la maison. Vers le lavoir, un autre univers s’ouvre à nous, moins redoutable et plus accueillant si l’on excepte les quelques vipères censées se promener entre les cigües, près du ruisseau…Eh oui !...
    Et puis les années ont passé, beaucoup d’années, le pommier comme le vieux jardinier, ont disparu…
Vois-tu, père Benoit, ton souvenir plane encore …
François Kergonou

Sur la photo de cette classe de 1939, vous reconnaîtrez peut-être un  piqueur de pommes

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