Le
fort (ou redoute) de Keranroux se trouvait entre le fort Montbarey et
celui du Questel. Tous construits vers 1780, ils devaient nous protéger
d'une éventuelle attaque anglaise.Aujourd'hui,
on ne voit plus grand-chose... Juste quelques morceaux... Un terrain de
jeux pour les enfants le recouvre, au nord du boulevard de Plymouth, le
long de la rue de Keranroux.Voici des souvenirs de Quilbignonais :Souvenirs de Marie Renée Bosser
"Au bout de la rue François Cordon, on trouvait, à droite, la maison du
gardien du fort de Kéranroux, où M. Madec savait faire régner l'ordre.
A gauche, la forteresse Kéranroux, propriété militaire, était
construite en pierres et granit. Son entrée, défendue, par de lourdes
portes, dont seul le gardien possédait les clés, était accessible par
un pont, jadis levis, surplombant les douves, desséchées elles-aussi.
Un vaste terrain entourait le fort, planté de pins où promeneurs
et écoliers pouvaient se détendre. Des jardins ouvriers, loués aux
employés de la DCN, procuraient des légumes et des fleurs à ceux qui
les cultivaient.
En 1939, la guerre éclate et le
génie français s'installe au fort, il y restera jusqu'en 1940. Les
Allemands l'occuperont jusqu'en 1944 et y installeront plusieurs
baraquements pour les véhicules, les bureaux, les dortoirs, pour les
travailleurs étrangers et aussi ceux du STO réquisitionnés pour le
travail obligatoire. Durant quatre années, nous, les
enfants, avons perdu nos territoires de jeux au fort, nos courses
éperdues et champêtres. La ville étant bombardée sans répit, nous
étions scolarisés dans les communes voisines. Nous étions séparés de
nos familles excepté pendant les vacances scolaires. Les bombardements
font des ravages. A la libération, nous voyions depuis Kervadéza en
Ploumoguer, fumer les pins de Kéranroux, ses baraquements et brûler nos
habitations près du fort ! "
Souvenirs de Yvette Chapalain
" Il a bien existé ce vieux fort et les enfants de mon quartier qui
s'appelait Allée Verte (devenue route du Valy Hir) ont donc grandi près
de lui. Des pins aussi gros que majestueux le bordaient le long de la
route, c'était impressionnant en hiver la nuit venue ! Mais il nous
offrait aussi un terrain de jeux, sans s'approcher des douves et à
condition de ne rien dégrader. Mr Madec y veillait de très près
et nous le savions ! L'entrée du fort présentait une petite place
souvent occupée par des campements de bohémiens avec roulottes. C'était
aussi l'endroit réservé aux feux de la Saint Jean qui réunissaient
jeunes et moins jeunes du quartier, mon grand père se devait de
préparer le fagot de lande qui crépitait sur le tas...
Mais la guerre est arrivée... Le terrible pilonnage l'a détruit.
Sur la photo, il ne reste qu'une rangée d'arbres mutilés, décapités,
des pieux noircis !... Notre fort a disparu dans le puits de l'oubli
et, avec lui, le gardien et sa vieille maison... Nostalgie ?...
Tristesse sûrement."
Souvenirs de François Kergonou
" C'était le 18 juin 1940, les Allemands devaient arriver le
lendemain... Le fracas des canons est intense. Le cuirassé
Richelieu force la sortie de la rade. Vers 17h, un camion
militaire, chargé de marins français et de soldats anglais s'arrête
dans le haut du quartier Barullu (haut de la route des quatre pompes)
et nous explique qu'ils vont incendier les cuves à mazout toutes
proches, afin qu'elles ne tombent pas aux mains de l'ennemi, et
qu'il nous faut évacuer immédiatement. Joignant le geste à la parole,
ils nous montrent les bidons d'essence rangés à l'arrière du véhicule.
Il nous est alors signifié de nous replier vers le fort de Keranroux.
C'est ainsi que nous nous retrouvons, tout au long de la route, côté
nord de l'ouvrage, sous la protection illusoire, mais bienfaisante, des
grands pins qui bruissent au vent ... Mais un autre drame allait
bientôt suivre : l'incendie de la Maison-Blanche et des Quatre-Pompes.
"
Un autre témoignage est paru dans l’Echo de Saint-Pierre n° 143 de mai 2002 :
http://echodesaintpierre.site.voila.fr/msp/msp143.htm