ECHO DE SAINT-PIERRE N° 167 - novembre  2004

 

FEVRIER 1943 ...AUSWEISS et COUVRE-FEU

Un retour mouvementé

A la fermeture des écoles brestoises, mes parents me mettent en pension au collège à Quimper. A chaque vacances, je devais donc prendre le train pour revenir sur Brest. La durée officielle du trajet (rarement respectée) n’était que de trois heures pour relier les deux villes. Mais ce soir là, arrivé à Landerneau, les sirènes mugissent «Alerte». Peu de temps après le ciel est illuminé par les tirs de DCA et les projecteurs : Brest subit son énième bombardement

Le «feu d’artifice» dure environ une heure, mais il nous faut encore attendre la fin de l’alerte pour pouvoir repartir. A l’horloge de la gare, il est 21 heures passées quand le convoi s’ébranle de nouveau. Lorsque j’arrive en gare de Brest, il est plus de 22 heures. Trop tard, depuis que la ville est sous occupation allemande, pas un Français ne doit être hors de chez lui de 21 h à 6 heure du matin.

La traversée de Brest

A cette heure là, personne ne m’attend et il n’y a plus de transport en commun. Pour traverser la ville, il ne me reste plus que le «train 11» autrement dit la marche à pied. On me délivre un ausweiss (un laissez- passer) sur lequel est mentionné la destination et la durée approximative du trajet.

A l’extérieur c’est le noir absolu : pas d’éclairage public susceptible d’aider les aviateurs alliés. Dans les immeubles, pas une lumière ne filtre c’est le black out total. Le bombardement venant de se terminer, l’atmosphère est imprégné de fumigène et cela brûle les yeux. Par ci, par là quelques foyers d’incendie et cette odeur de poudre brûlée. Le sol est jonché d’éclats et de culots d’obus plus ou moins gros (Au début de la guerre les enfants en faisaient collection , mais plus maintenant il y en a trop )

Je ne suis pas très assuré, car plus je m’éloigne de la gare, plus les voyageurs se font rares dans les rues. Bientôt je suis seul, mes pas résonnent sur le pavé, .ou est-ce mon cœur qui cogne ? Soudain, rue de Siam je tombe nez à nez avec les feldgendarmes « Halt ! Papier ! » Je sors mon ausweiss. Ces allemands ont une mine patibulaire avec leur casque et leur «plaque de chien» sur la poitrine. Pour vérifier mes papiers leur lampe torche ne laisse passer qu’un filet de lumière. Ouf ! ils me laissent repartir, que peuvent-ils craindre d’un gamin de douze ans ?

Arrivée au bercail

Quand je franchis le pont de Recouvrance, seul un léger clapotis laisse deviner l’eau noire de la Penfeld qui coule en contre bas . En remontant la rue de La Porte, j’entends des voix qui viennent dans ma direction. Leur accent ne me laisse aucun doute : encore une patrouille ! Mon sésame «ausweiss» suffit à les amadouer. Je ne serais plus inquiété ; mais que les 2 derniers kilomètres m’ont paru longs !

J’atteins enfin le chemin de la ferme à Kergrac’h, à 200 mètres de là. Le chien a reconnu mon pas et jappe dans la nuit. Mon père n’est pas encore couché et m’ouvre la porte, tout étonné de me voir arriver à cette heure. Il ne m’attendait que le lendemain

J.Pochart

Photo prise sur le site :

http://perso.club-internet.fr/re1so2/Brest/

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La mort d’un géant…

 

Le 15 juin dernier a été abattu un hêtre pourpre plus que centenaire. Planté en 1901 devant la mairie de quartier de la Rive Droite, il mesurait 17 mètres de hauteur et 15 de large.

Depuis cinq ans, il donnait des signes de fatigue et de dépérissement. Les champignons s’attaquant aux branches charpentières, au tronc et au pied de l’arbre, un traitement fut appliqué, mais en vain.

Les causes possibles : l’âge de l’arbre ou des désordres physiologiques au niveau des racines qui interviennent sur un sujet affaibli.

Le grand témoin de plus d’un siècle a disparu du paysage, laissant simplement sur place un peu de son tronc majestueux. Ce hêtre, de sa hauteur, a vu bien des choses et des gens ; il a aussi tremblé sous l’effet des obus et des bombes pendant la guerre 39-45, particulièrement lors des combats de la libération.

F.Kergonou