ECHO DE SAINT-PIERRE N° 143 - Mai  2002

 

Fort de Keranroux

    Le fort de Keranroux a été détruit par les bombardements de 1944 et peu de vestiges en subsistent. Les souvenirs d'anciens quilbignonnais (Echo, n°92 et 98) rappellent que ce lieu, à proximité du bourg de St-Pierre, était fréquenté et évoquent aussi la personnalité de son dernier gardien J.L. Madec.

    Avant d'occuper ce poste ce pur léonard avait bourlingué lors d'une longue carrière dans la Marine Nationale.

    Né en 1869 à Plounévez-Lochrist, il tut recruté pont le service militaire en 1890 à Roscoff au titre d'inscrit maritime : marin goémonier, comme beaucoup de jeunes des côtes du nord Finistère. 
Après ses classes et un séjour à Toulon puis à la direction du port d'Alger, il sera désigné pour le croiseur Cécile où, affecté à la machine, il sera promu «matelot de deuxième classe chauffeur (non breveté)».

    Pour Jean Randier, dans son ouvrage «La royale», la chaufferie c'est l'enfer. L'enfer noir dans les soutes où l'on stocke le charbon, l'enfer rouge vers le foyer que l'on alimente à la pelle.

    Les chaufferies à bord sont souvent sous la responsabilité d'un Quartier Maître chauffeur, fréquemment un vigoureux breton. Un dur, près de 15 ans d'attente pour gagner ces galons forment le caractère.

    Recruté pont un Service Militaire qui devait durer 4 ans, il rempilera et mènera une carrière militaire qui, prolongée par la guerre 14-18, s'étendra sur 29 ans de services.

    Une vingtaine d'embarquements sur différents types de bateaux, des escales dans différents et lointains pays, des campagnes de guerre, au Tonkin en 1897 et la guerre 14-18.

    Il se mariera à une «payse» en 1902 qui portera sa coiffe de chikolodenn à St-Pierre pendant près de 50 ans. En effet, la famille s'y installa vers 1910. Une grande famille d'ailleurs car si les absences étaient longues, il y avait permissions et retours de campagnes : une fille et 5 garçons naîtront.

    En retraite, il occupera le poste de gardien du fort de Keranroux qui deviendra son ancrage quilbignonnais. Ce fort était inoccupé mais en 1939, le 6ème génie s'y installa. Les chevaux étaient parqués sous des grands pins maritimes bordant le fort, mais le froid et les courants d'air les enrhumaient ; aussi furent-ils dispersés chez des agriculteurs des alentours et mis à leur disposition. Le forgeron  militaire prêta aussi son concours a une forge dit bourg

    Le gardien résidait dans une petite maison de fonction, avait un petit lopin de terre qu'il cultivait et élevait lapins et poules. Il invitait Francis Balcon à mettre ses chèvres dans le fort, ça évitait de faucher l'herbe ; dans les douves on mettait la jument et le poulain de la ferme Jestin, quand il y en avait un, ainsi que des moutons.

    Le glacis du fort était occupé pu les jardins ouvriers (Echo n'121).

    Sur le site, il y avait des passereaux et des lapins. Un jour, notre gardien, remarquant un passage près de la porte principale, décida de mettre un collet. Ce fut son chat la première prise.

Il n'y avait pas beaucoup d'habitations dans le secteur mais J.L. Madec s'intégra bien aux agriculteurs et voisins des alentours, trinquant à l'occasion, notamment au «Débit Vert».

    Au «Débit Vert» où ses fils passaient à chaque permission (les 5 s'engagèrent dans la Marine) voir s'il y avait une ardoise à régler pour le Père.

    Le fort était fréquenté par les familles, par les jeunes, même s'il offrait moins de possibilités de jeux que le fort du Questel, et l'ombre des pins était recherchée en été

    L'image que nous en donne M.Th. Allégoët (Echo n°98) montre un gardien aimable qui parfois ouvrait et faisait visiter le sanctuaire aux enfants présents sur le site. Des garnements il était plus craint et J. Venec en fit les frais quand il le surprit avec ses collègues à la pique aux fruits sur un des jardins ouvriers.

    Puis vint l'occupation par les allemands en 1940. Le gardien occupe toujours sa petite maison.

    En 1944, les quilbignonnais quittent leur quartier pour se réfugier à la campagne avant les combats de la libération et mes parents prennent à leur tout ce chemin.

    Nous faisons une halte à Keranroux, J.L. Madec et son épouse sont partis dans lanjournée vers l.esneven. Poules et canards sont toujours dans le poulailler, mon père ouvre la porte et les laisse s'échapper

    Quand le gardien reviendra, la Ville libérée, le for est détruit ainsi que sa maison. On n'y entendra plus les grands cris lors des parties de dominos acharnées du dimanche.

 

 J.P. Madec