ECHO DE SAINT-PIERRE N° 140 - Février 2002

 

La fin d'un ballon captif

    Pendant lit terrible guerre 39-45, lors de l'invasion de Brest par l'Allemagne et la fortification du port de la base sous-marine, les occupants avaient fait installer un barrage de DCA (défense anti-aérienne) et un véritable réseau de ballons captifs, dits «saucisses» par les brestois, afin de contrecarrer les attaques de l'aviation alliée.

    Ces ballons étaient construits en toile caoutchoutée, gonflés à l'hydrogène et maintenus au sol par un câble. Cela faisait un ensemble infranchissable pour les avions qui voulaient descendre le plus près de leur objectif

    Je n'avais que deux ans, mais de voir tous ces ballons «accrochés» au ciel m'avait tellement impressionné !

    Je vivais chez mes grands-parents Le Bourt avec ma mère, mon père André Quillien, ainsi que mes oncles Jean et René, dans leur ferme au lieu-dit «Pen Ar Valy» ; là où je suis né le 12 juin 1940. Cette dernière serait aujourd'hui située à l'angle des rues Tartu et Cuirassé Bouvet, un peu en retrait de l'école maternelle St-André.

    C'était un soir, lors d'une des nombreuses attaques aériennes subies par les brestois. Dès le déclenchement des sirènes, prévenant les habitants de l'imminence d'un bombardement, je m'affolais à tel point que je cherchais à me réfugier dans n'importe quel endroit, sous un lit, une armoire... tout était bon !

    J'entendis mon grand-père, devant être à l'extérieur à soigner ses bêtes, crier: «Au feu, au feu!». Ma nourrice, Suzanne, me prit sur ses genoux afin de me calmer. J'aperçu à travers les fentes des volets, d'immenses flammes au fond de notre terrain. Mon père et mes oncles se précipitèrent sur les lieux du sinistre..

    Il s'agissait bien d'un ballon captif abattu par l'aviation alliée ou la DCA Allemande. Le feu menaçait les maisons jouxtant notre champ et celles se trouvant en bordure de la rue Anatole France, à hauteur des studios Le Bigot et du café Gourvennec. Toutes les personnes disponibles réussirent à combattre l'incendie.

    Je me souviens très bien de voir mon père et mes oncles rentrer à la maison couverts de suie, tels des charbonniers ou des ramoneurs. J'en avais piqué une crise tellement j'étais effrayé !

    Mais, dans ce fait de guerre, il y a eu quelque chose de bon, à une époque où chacun était plutôt démuni. Mes oncles avaient récupéré la toile non brûlée du ballon. Cette dernière fut un vrai trésor pour ma mère, qui en confectionna des bâches pour la ferme, des alèses pour les lits ainsi que des cirés. Ceux-ci me servirent plus tard pour aller à l'école St-André qui, elle, a bien résisté.


M. Quillien