ECHO DE SAINT-PIERRE N° 131 - Mars 2001

La misère du peuple (14ème siècle)

    L'histoire est un éternel recommencement qui nous rappelle que les maux de la société relèvent souvent de l'ambition immodérée des « princes » de ce monde à convoiter le pouvoir plutôt qu'à rechercher le bonheur des peuples. Cette cupide avidité qui engendre souvent le malheur, est parfois condamnée mais rarement corrigée. Ainsi la source de nombreux conflits réside dans cette frénésie de gloire, de fortune et de pouvoir que la confrontation guerrière leur permet d'assouvir. Autrefois quand un souverain décédait sans héritiers directs, il était à craindre que sa succession ne déclencha quelques rivalités dynastiques, attisées le plus souvent par des ambitions inavouables, plutôt que par la volonté de servir une juste et collective cause relevant de l'intérêt général.

    La trop longue et désastreuse guerre dîne de 100 ma en, est le triste exemple. Dans cette guerre franco/anglaise concernait la succession au trône de France, la Bretagne, alors indépendante, fut contrainte par le jeu des alliances partisanes à s'engager dans le conflit afin de résoudre ses propres contradictions dynastiques. L'origine du conflit, qui allait ravager et affaiblir durablement la Bretagne découlait la aussi d'une succession contestée. Quand en 1341, le duc Jean III de Bretagne mourut sans héritiers directs, le scénario d'un tragique drame concernant la légitimité du pouvoir ducal se mit en place, distribuant parmi les gens du peuple les plus mauvais rôles : les contraignant à devenir les combattants d'une injuste cause. Deux prétendants, animés des mêmes aspirations à gouverner, manifestèrent leur prétention et affichèrent leur droit à diriger le pays. Jean de Monfort d'une part, demi-frère du défunt duc et Charles de Blois d'autre part, époux de Jeanne de Penthièvre, nièce de feu Jean III, se déclarèrent comme les légitimes successeurs au trône ducal. Refusant toute conciliation, chaque partie campant sur des positions irréductibles, une guerre fratricide devenait inévitable. Elle allait jeter la majorité des Bretons dans un affrontement qu'ils n'avaient point souhaité, étant pour la plupart indifférents à cette querelle de succession. Par contre dans ce conflit, les princes de grandes lignées et le haut clergé trouvèrent avantage à soutenir Charles de Blois, allié des français et reconnu comme tel digne successeur de Jean III. A contrario, notamment dans le Léon, la petite noblesse et le bas clergé qui aspiraient à une meilleure reconnaissance, se déclarèrent plutôt favorables à de Jean de Monfort dont les partisans n'attendaient qu'un signe de velléité adverse pour faire allégeance à l'opportuniste protecteur anglais,

    Ainsi les habitants du Léon, totalement étrangers à cette querelle de grands, vécurent de 1341 à 1397, dates de l'occupation de Brest par les soldats anglais, alliés des Monfort, dans la peur et la désolation. Les paysans furent enrôlés de force dans un camp ou dans l'autre, parfois sous des bannières différentes au gré des alliances changeantes de part la volonté des pinces.  Durant cette guerre civile la misère régna dans les campagnes faisant indifféremment, au passage des troupes LI ennemies, qu'un seul perdant, le paysan breton. Le roi Edouard III d'Angleterre étant par ailleurs en conflit direct avec Philippe VI de France, cette querelle entre Bretons représentait une excellente diversion car elle permettait aux antagonistes royaux de s'affronter par Bretons interposés. De plus l'arrière pensée d'annexer une Bretagne rendue exsangue semblait la conclusion logique de ces soutiens intéressés. Le château de Brest était me pièce maîtresse sur l'échiquier guerrier des protagonistes princiers. Jean de Monfort s'en empara et fit nommer, en 1341, en qualité de gouverneur de Brest, Tanguy du Châtel dont les châteaux de Trémazan et d'Ouessant se révélèrent pour leurs alliés anglais, des positions stratégiques. Tanguy du Châtel sera récompensé pour son allégeance au clan Monfort. Par lettes-patentes du 4 février 1342 il recevra des Monfort confirmation de ses droits sur les fiefs, seigneuries, terres et justices situés en la paroisse de Quilbignon. Au détriment semble-t-il des seigneurs de Quilbignon qui avaient choisi l'autre camp. La présence d'un certain Even de Quilbignon à la montre (revue militaire) de 1370 organisée par Bertrand Duguesclin, allié des français et de Charles de Blois, accrédite cette version. Le Conquet représentait la tête de pont idéale pont contrôler la région et pousser des troupes en direction de Brest, via Saint-Pierre Quibignon. Tour à tour pris et repris, le Conquet passera entre les mains des français de mai à novembre 1342, de 1370 à 1372 et de 1373 à 1375 et dans les intervalles sera occupé par les Anglais. En 1373 Duguesclin ayant échoué dans la prise du château de Brest, son successeur Olivier de Clisson se venge en prenant le Conquet. Notre terroir de Quilbignon, lieu de passage obligé outre Brest et la pointe de Pen-ar-Bed, dut subir une nouvelle fois les pires excès, occasionnés par les débordements de la soldatesque.

    En 1369 notre terroir devait déjà être bien exsangue, car il suscita l'intervention du nouveau duc Jean IV (fils de feu Jean de Monfort) qui décréta : «franchises et immunités pour ceux qui s'installeraient cen Quilbignon». Cet appel ne fut pas entendu car en 1458, les ressources de la paroisse étant insuffisantes, son recteur Yves Le Bouteiller sollicite de Rome la réunion de Quilbignon et de Guilers en une seule entité paroissiale. 0n attend toujours. Ainsi va l'histone des "princes", souvent à contrario du bonheur des peuples qu'ils prétendent protéger.

M. Baron