ECHO DE SAINT-PIERRE N° 127 - Novembre 2000

L’Arsenal avant les 35 heures

En cette année 2000 où il est tant question des 35 heures par semaine, faisons un rapide retour en arrière pour voir l’évolution des horaires de travail au cours d’un peu plus d’un siècle et les conséquences pour les travailleurs et leurs familles.

Par des articles parus dans le journal d’établissement de l’Arsenal « Le Flot », nous avons connaissance des heures d’entrée et de sortie ainsi que la durée de repos de midi en 1890.

C’est la lumière du jour qui commande la durée du travail, laquelle change tous les dix jours, sauf du 1er Avril au 21 septembre :

ENTREES REPOS DE MIDI SORTIES DUREE
1er janvier 8h 30 minutes 16h20 7h50
1er mars 6h30 1 heure 17h50 10h20
er avril au 21 sept 5h30 1 heure 17h50 11h20

La présence dans l’enceinte de l’Arsenal était de 12h20 en comptant le repos de midi. En ajoutant le temps du trajet (pédestre à l’époque) parfois d’une ou deux heures, la présence du père au foyer était de courte durée. Encore bien plus pour les personnes dont la famille résidait dans les communes environnantes et qui ne rentraient chez elles que le samedi soir. La vie de famille s’en ressentait certainement. Si en décembre – janvier la semaine était de 47 à 50 heures, d’avril à septembre elle était de 68 heures, avec des mois en été de 295 à 305 heures. Un total annuel d’environ 3170 heures. Ceci sans congé, sauf Noël et Nouvel An si la fête était en semaine, les lundis de Pâques et de Pentecôte et le jeudi de l’Ascension.

Un arrêté du 10 juillet 1895 fixe la durée moyenne à 9h45. Puis un arrêté de septembre 1901 à 9h35 et cela 6 jours par semaine. Il faut signaler que le salaire n’était pas horaire mais journalier.

Un siècle après une révolution qui apportait Liberté et Egalité, ils n’étaient pas loin du « servage » à ceci près que ce dernier avait en partie changé de mains.

Cela semble très loin, pourtant les grands-pères de plusieurs d’entre nous ont pratiqué ces horaires et leurs familles supporté les inconvénients.

Il faudra attendre encore un demi-siècle (1936) pour voir l’amélioration dans la vie des travailleurs.

Après bien des luttes : de mutualistes pour l’accès de tous aux soins et de syndicalistes pour l’amélioration des conditions de travail, des lois sociales furent votées en 1936-1937.

Semaine de 40 heures au delà desquelles le salaire est majoré. L’octroi de deux semaines de congés payés. La création de l’Assurance Sociale, des pensions, des Allocations Familiales (ces dernières appliquées aux personnels sous l’Etat, ne le seront qu’après la guerre aux travailleurs du civil). La guerre 39-45 viendra troubler l’application d’une partie de ces acquis.

Les militaires, inscrits maritimes,  le personnel civil de l’Etat, les fonctionnaires percevaient une pension, assez modique pour les ouvriers et les peu gradés. Celle-ci était versée tous les 6 mois, puis tous les 3 mois. Le reste de la population civile : ouvriers, employés, artisans, travailleurs agricoles, etc. ne percevaient rien. Si par suite de maladie, d’accident ou par l’âge ils devaient interrompre leur travail, ils se trouvaient à la charge de leurs enfants ou dans les hospices.

La création de la Sécurité Sociale et du service des Allocations Familiales en 1945 et leur application peu à peu à toute la population fera qu’aujourd’hui les personnes peuvent être soignées.

Hélas, il y a toujours des exclus et aujourd’hui d’autres problèmes se posent.

Certains ont appelé le début de ce siècle « La belle époque », certainement des privilégiés qui ne subissaient pas ces horaires de travail.

Yves le Roy