ECHO DE SAINT-PIERRE N° 122 - Avril 2000

Le clergé léonard dans la tourmente révolutionnaire

    Exaspéré par les abus de l'ancien régime, le bas clergé léonard manifesta très tôt ses penchants pour la réforme, épousant en ce sens les aspirations légitimes de la paysannerie bretonne. La session des Etats de la province de Bretagne qui se tint à Rennes, à partir du 29 décembre 1788, fut particulièrement houleuse et revendicative et surtout elle fut la dernière. Les représentants du bas clergé n'hésitèrent pas à faire cause commune avec ceux du tiers état. Ils souhaitaient le changement, ce fut la révolution. Favorables aux idéaux de la révolution, ils ne protestèrent pas quand, dans la nuit du 4 août 1 789, fut aboli en même temps que les privilèges, le statut particulier que la Bretagne possédait depuis 1532. Par contre la question religieuse souleva des passions extrêmes qui eurent des conséquences funestes. La désillusion vint rapidement, suite notamment au vote de la Constitution civile du clergé le 12 juillet 1790. Cette constitution fut survie, le 27 novembre par l'obligation pour les ecclésiastiques de prêter serment de fidélité a la Nation, à la Loi et au Roi. De plus la récente création du département du Finistère entraîna la suppression du siège épiscopal de Saint-Pol-de-Léon au profit de Quimper. Sous l'impulsion de monseigneur François de la Marche qui fut le dernier évêque du Léon, les réactions d'hostilité se généralisèrent. Soixante seize des recteurs du diocèse du Léon, suivis par quelque 236 prêtres signèrent une motion de protestation refusant ces nouvelles dispositions

    Entre-temps à Brest, la bourgeoisie qui avait pris le pouvoir se montra inflexible dans l'application des directives concernant le clergé. Pour la plupart ces nouveaux élus étaient issus des loges maçonniques, comme celle de l'Heureuse Rencontre ou celle des Elus de Sully. De plus nombre d'entre eux purent acquérir à bon prix les biens religieux confisqués par la Nation. Ces biens nationaux étaient sensés garantir la valeur de la monnaie papier, dite assignat, qui fit tant de dupes parmi le modeste peuple. Les Prêtres non assermentés fureur déclarés indésirables et toute manifestation de leur part considérée hostile. La fuite du Roi fut perçue avec défiance ; ainsi à partir du 28 juin 1791, 81 prêtres non assermentés seront arrêtés et enfermés au couvent des Carmes à Brest. Parmi eux, Guillaume Scouarnec, recteur de Quilbignon depuis 1784 ainsi que ses vicaires Gabriel Lareur et Augustin-François Péron; ce dernier étant originaire de la paroisse. Leur élargissement inespéré se produira le 28 septembre, assorti de l'interdiction de rentrer dans leur paroisse et de s'en tenir éloigné de plus de 4 lieues ( environ 16 km). Cette amnistie conditionnelle ne sera qu'une rémission avant le déchaînement de la tempête.

    Après la mort du Roi, les révolutionnaires les plus radicaux (Montagnards) prirent l'ascendant sur le modérés (Girondins), ce fut la Terreur qui n'épargna nullement le district brestois. A Brest, l'agent intransigeant de la révolution fut sans conteste Jean Bon Saint-André. Le discours qu'il prononça le 30 décembre 1793 en l'église Saint-Louis, transformée en temple de la Raison, est une apologie de la déchristianisation, Il dénonça le catholicisme comme fauteur d'obscurantisme et de superstition. Désormais plus personne n'était a l'abri de la répression, même les prêtres constitutionnels durent se démettre. Le curé assermenté de Saint-Louis, Jean-Marie Louis Laligne, qui refusa de s'incliner, fut enfermé au château de Brest, devenu Fort la Loi où croupissaient déjà de nombreux prêtres non assermentés. Les autres encore libres se cachaient ou à l'exemple de monseigneur de la Marche, avaient pris le chemin de l'exil. Les loges maçonniques déclarées illégales furent également dissoutes.

    Le premier ecclésiastique victime du couperet de la guillotine, élevée place du château à Brest, fut François Le Coz, prêtre réfractaire, âgé de 48 ans. Après un procès expéditif, il fut exécuté le 14 mars 1794. Le sieur François Nédélec, qui lui avait donné asile, fut condamné à la déportation. Le suivant fut l'abbé Jean Drévez, 51 ans, ancien curé de Saint-Sauveur de Recouvrance, qui fut exécuté le 26 mars 1794. Condamnés par le tribunal révolutionnaire de Brest, les prêtres réfractaires, Guillaume Peton et Jean-Marie Habasque seront guillotinés à Lesneven le 14 avril 1794, afin de porter le châtiment révolutionnaire au plus près des populations. L'accusateur public, le zélé Donzé-Verteuil savait faire preuve d'une grande fermeté. Huit autres religieux subiront la même sentence et parmi eux Louis-Alexandre Expilly qui fut élu évêque constitutionnel du Finistère, le 2 novembre 1790. Son procès fut celui des administrateurs du Finistère accusés du crime de fédéralisme, qui se solda par 26 condamnés à mort. Le 22 mai l794, il fut le dernier à monter sur l'échafaud après avoir soutenu de ses prières ses infortunés compagnons, au rang desquels François Malmanche ancien maire de Brest, de 1790 à 1791, et Pierre-Marie Bergevin, homme de loi.

    Beaucoup de prêtes moururent en déportation, comme Louis Guillard de Larc'hantel, vicaire général de Quimper, exilé en Guyane. Quant à Guillaume Scouarnec qui se cacha a Saint-Pierre Quilbignon, il put profiter de la complicité locale pour continuer à officier dans l'ombre et attendre des jours meilleurs.

    Le clergé léonard paya cher ses espérances en la révolution. Le rêve avait sombré dans l'horreur de la tourmente révolutionnaire,

Michel BARON