ECHO DE ST-PIERRE N° 102 Juin 1998




Le grand départ : Juin 1940


Le groupe “Mémoire de St-Pierre” se propose de transmettre à la mémoire commune des faits, des événements qui ont marqué la vie de notre quartier.
Ainsi l’appel du Général De Gaulle le 18 Juin 1940 : comment cela a-t-il était vécu à St Pierre ?
De nombreux jeunes y ont répondu et il nous à semblé intéressant de découvrir les conditions de leur départ. Un moment où il fallait faire le choix rapidement et où toute une vie basculait. Ce choix était une déchirure et si certains reviennent au bout de quelques années d’autres ne reviennent jamais.

La décision du départ...
Le 19 Juin 1940, J. VENEC descendait le “Grand-Turc” à vélo pour se rendre à l'arsenal. Il croise une personne qui l’avertit que l'arsenal est fermé. Retour sur St Pierre, quand il voit arriver son collègue J. GOURMELON, qui lui annonce que la veille un général (inconnu d’eux ) a lancé un appel à la radio, pour que les français qui veulent continuer la guerre le rejoignent en Angleterre.
En compagnie d’un autre collègue, J. JESTIN, ils s’arrêtent au “petit Paris”, au café-tabac de J. MARZIOU, un ancien de la guerre 14-18 qui les encourage à partir.
Leur décision est déjà prise, ils partiront en Angleterre pour continuer la guerre.
Ils l’expliquent à Mme NICOLAS, qui tient un café face à l’église, et celle-ci leur donne une bouteille de cognac pour le voyage.
Adieux rapides aux parents et préparatifs pour rejoindre Le Conquet à vélo. Il faut faire vite, les allemands s’approchent et ils ne sont plus très loin (dans la soirée ils arriveront à Brest).
Ils n’avaient pas encore quitté St Pierre que les cuves à mazout explosent. Très loin en mer, le lendemain, ils en apercevront toujours la fumée.
Jean JACOPIN lui, habitait à Kérédern, près du moulin du Buis. Il ignorait, lui aussi, l’appel du Général De Gaulle, mais déjà des rumeurs circulaient quant à la nécessité de continuer la guerre. Aussi, le 19 au matin, se rend-il à Guilers pour rencontrer ses collègues et envisager le départ ensemble.
Stupeur! Ils ont embarqué la veille au port de commerce. Retour au domicile et rapidement avec Yves LE GUEN (Youenn ), son voisin, et Jean BRETON de Ty-colo, direction Le Conquet.

Le départ...
Le Conquet est en effervescence. J. JACOPIN est frappé par le nombre de vélos entreposés près de l'hôtel Ste Barbe.
J. VENEC, J. JESTIN et J. GOURMELON à leur arrivée y ont retrouvé des jeunes de St Pierre. Ils “font la masse” entre eux, s’achètent de la nourriture, cassent une croûte sur la plage et consomment la bouteille de cognac.
Il y a des tensions, notamment avec des officiers de marine car les militaires et ceux qui ont passé le Conseil de révision sont prioritaires pour embarquer sur des bateaux en partance vers l’Angleterre.
Mais après bien des soucis et inquiétudes, un bateau de Lampaul, en fin d’après-midi, assure une liaison avec Ouessant et y amène J. VENEC, J.. GOURMELON, Youenn et quelques autres .
J. JACOPIN, lui, a passé son Conseil de révision aussi a-t-il quitté Le Conquet avant son ami Youenn.
Mais quelle ne sera pas sa surprise, plus tard, de découvrir que Youenn est arrivé avant lui en Angleterre, équipé d’un superbe blouson de la Royal Air Force récupéré lors du voyage.
Pour quitter Ouessant ce sont les mêmes règles de priorité, J. JACOPIN y passera une demi-nuit et embarquera sur un chalutier Belge.
Levés à 1 Heure, J. VENEC et une trentaine d’autres embarquent à 5 heures sur un autre chalutier Belge. Couchés sur le pont, ils ont froid.

L’Angleterre...
Arrivée le 20 au soir à Plymouth : débarquement, contrôle, direction hôpital en autocar, hygiène et puis le train pou rejoindre Londres deux jours après.
Logés dans une école, J. VENEC et ses collègues se retrouvent avec de nombreux jeunes venant de différents horizons, notamment de Bretagne et d’autres Quilbignonnais qui n’ont pas transité par Ouessant.
Ils sont jeunes, l’ambiance est joyeuse dans cette école où ils resteront une dizaine de jours.
J. JACOPIN a suivi un parcours similaire. Un officier de l'état-major leur annoncera que ceux qui ne veulent pas s’engager pour la durée de la guerre pourront être reconduits en Afrique du Nord sans problème. De là, ils rejoindront la métropole.

Affectations pour le combat...
Tous ceux qui veulent continuer sont ensuite envoyés dans un grand dépôt, à “L’Olympia”, et là, les bureaux de recrutement des différentes armées s’offrent à eux.
Le 6 Juillet, ils reçoivent la visite du Général De Gaulle.
Le 14 Juillet J. JACOPIN qui n’a toujours pas reçu son habillement défile avec les habits civils de J. VENEC hospitalisé. Il a gardé le souvenir du “froc banane”.
C’est que vu l’urgence du départ, ils n’ont pas eu le temps de prendre sac ou valise et les “rechanges” manquent.
Puis ce sera les affectations, la dispersion. J. JACOPIN sera de campagne de Palestine, Syrie, Libye, Tunisie, d’Italie et de France en participant au débarquement en Provence en 1944.
J. VENEC rejoindra Moscou par les convois maritimes du grand nord et il sera affecté à la mission française en Russie, puis à Beyrouth.

Cet article ne voulait traiter que le départ mais chacun devine qu’il y a bien plus à écrire sur les personnes citées et sur d’autres jeunes de St Pierre des années 40, qui n’ont pas craint de se lancer dans la tourmente.

Jean-Pierre Madec